samedi 30 octobre 2010
lundi 27 septembre 2010
(En effet, nous nous souhaiterions pas qu'il vieillisse sans un petit vernis de culture française)
(Un PETIT vernis).
Relu par un ado mal embouché, le texte devient terrible.
Mais je suis inflexible, impitoyable et obstinée.
Pauvre enfant.
lundi 6 septembre 2010
Merci aux nouveaux parents qui viennent de nous rajouter un peu de douceur au monde, et qui vont trimer pendant 20 ans pour que leur petit bout de douceur enrichisse l'humanité.
Chuis toute émue. J'adore les naissances.
Je suppose qu'il va falloir que j'arrête de lui envoyer des vêtements de grossesse.
mercredi 28 juillet 2010
Aux Feuillantines
Mes deux frères et moi, nous étions tout enfants.Notre mère disait: jouez, mais je défends
Qu'on marche dans les fleurs et qu'on monte aux échelles.
Abel était l'aîné, j'étais le plus petit.
Nous mangions notre pain de si bon appétit,
Que les femmes riaient quand nous passions près d'elles.
Nous montions pour jouer au grenier du couvent.
Et là, tout en jouant, nous regardions souvent
Sur le haut d'une armoire un livre inaccessible.
Nous grimpâmes un jour jusqu'à ce livre noir ;
Je ne sais pas comment nous fimes pour l'avoir,
Mais je me souviens bien que c'était une Bible.
Ce vieux livre sentait une odeur d'encensoir.
Nous allâmes ravis dans un coin nous asseoir.
Des estampes partout ! quel bonheur ! quel délire!
Nous l'ouvrîmes alors tout grand sur nos genoux,
Et dès le premier mot il nous parut si doux
Qu'oubliant de jouer, nous nous mîmes à lire.
Nous lûmes tous les trois ainsi, tout le matin,
Joseph, Ruth et Booz, le bon Samaritain,
Et, toujours plus charmés, le soir nous le relûmes.
Tels des enfants, s'ils ont pris un oiseau des cieux,
S'appellent en riant et s'étonnent, joyeux,
De sentir dans leur main la douceur de ses plumes.
mardi 27 juillet 2010
Brigitte a la quarantaine,fume beaucoup,et elle vient se faire soigner pour une légionellose attrapée on ne sait comment;ce n'est pas contagieux mais on la met dans une chambre seule pour protéger son organisme fragilisé;
son traitement antibitotique en perfusion est mis en route,tout se déroule comme d'habitude;
évidemment son tabagisme n'arrange pas les choses,outre un sevrage net,ses poumons ne sont pas au top avec cette pneumopathie sévère,mais bon,elle est jeune et en bonne santé,tout devrait bien se dérouler.
le 1er soir où je la vois,cela fait quelques jours qu'elle est déjà là,je vois une femme aux traits tirés,mais un peu exaltée:elle ne dormira pas de la nuit,faisant des va-et-vients sans arrêt dans sa chambre,touchant un peu à tout-sa perfusion,son tuyau d'oxygène-,sonnant beaucoup,parlant beaucoup et pas toujours de façon claire,se lavant et changeant de tenue plusieurs fois de suite....
mais cela reste dans les limites du tolérable,elle n'est pas agressive ni dangereuse pour elle-même,mais elle parait anxieuse....après tout elle est en phase de sevrage de sa chère cigarette,peut-être -qui sait?-un sevrage d'alcool ?,ou alors c'est la nuit qui l'angoisse...?
la nuit se passe finalement sans plus de problème que cette petite agitation,rien de plus,toutes ses constantes (température,tension,pouls,et surtout saturation) sont normales....mais je la trouve bizarre,je sens que se prépare quelque chose,question d'habitude.
le soir suivant,j'arrive à 19h45 pour les transmissions,et les infirmière de jour me disent à son sujet:
-bon,voilà,mme B.,elle n'est pas très bien,elle n'a pas été bien de l'après-midi d'ailleurs,le pneumologue pense l'envoyer en réa,mais il veut attendre les "gaz" (=examen sanguin prélevé dans l'artère au niveau du poignet,qui révèle l'état d'oxygénation de l'organisme )
ces gaz,tu devras les faire dans une heure,et s'ils ne sont pas bons,elle doit aller en réa
....je suis tout d'un coup d'une humeur massacrante...
-et pourquoi pas maintenant? et pourquoi dans une heure? si elle n'est pas bien maintenant,elle n'ira pas mieux dans une heure!!..punaise,c'est pas vrai,pourquoi c'est à moi de gérer ça,vous êtes 2 infs,plus le pneumo,vous aviez toute l'après-midi pour faire ça,vous allez foutre le camp dans 5 minutes,et moi dans une heure,toute seule pour 25 malades,je dois gérer le truc,avec l'interne de garde!
-c'est pas de notre faute,il a dit dans une heure,vers 21 heures,alors c'est tout...tu l'appelles quand tu as les résultats et puis voilà...
et puis voilà...je les regarde partir avec beaucoup de ressentiment,pourtant ce n'est pas la 1ère fois qu'on me demande de faire cet examen,ni la 1ère fois que je m'occupe à transférer un patient en urgence en réanimation,mais à chaque fois c'était imprévu...tandis que là,tout le monde s'accorde à dire qu'il faut un transfert,mais qu'il faut encore attendre...ou c'est urgent,ou ça ne l'est pas,ce n'est pas fifty-fifty..
ça,je n'avais pas encore vu.
j'ai la tête qui me serre,je n'aime pas cette histoire.
bon,je vais la voir,histoire de me faire une opinion.
ah,la tête!....mais ça ne peut pas attendre,on va droit dans le mur.!...Brigitte me regarde,ses traits sont émaciés,très pâle,le nez est pincé,elle est très essouflée,son débit d'oxygène a été augmenté,mais avec mon saturomètre je vois bien que c'est insuffisant,sa saturation est autour des 80 p.100.....je lui plaque un aérosol sur le nez,histoire de dilater ses bronches,je lui monte un peu plus l'oxygène,je lui demande comment ça va,elle me répond qu'elle a manqué d'air toute la journée...
ma tête me serre de plus en plus,je m'énerve,je jure,je file chercher mon matos,ses gaz elle les aura maintenant,20h20...
quand je reviens,plus de Brigitte dans le lit,seul son tuyau d'oxygène et son masque aérosol y trônent...
où est-elle,bon sang,ah la salle de bain,mais qu'est-ce qu'elle fout,oh punaise la tête!....grise....mais qu'est-ce que vous fabriquez,vous avez vu dans quel état vous êtes??
-je dois me laver les cheveux
-c'est le moment! mais ça va pas,vous n'allez pas recommencer comme la nuit dernière,vous êtes trop fatiguée,ce n'est pas le moment,et puis vous avez vu comme vous soufllez.....et je gronde,je gonde,je fais la grosse voix,elle ne doit pas recommencer,si j'étais arrivée 2 minutes plus tard....
tout en parlant,je l'ai ramenée au lit,remis oxygène et aérosol,contrôlé sa saturation (misère..60p.100...elle peut être grise)
-mais vous ne comprennez pas,je dois enlever tous ces rats qui me courent sur le crâne..
ah ben d'accord.....elle a des hallucinations ,elle est en sueur en plus,elle désature........mais elle devrait être en réa cette femme-là,elle est en train de faire un gros truc,une grosse décompensation respiratoire,oh,punaise,il fallait que ça tombe sur moi!
et en plus,ses gaz sont impossibles à faire,les poignets sont pleins d'hématomes et je ne sens pas son pouls,sa tension est basse....je n'insiste pas,je cours à l'infirmerie.
j'appelle l'interne au téléphone,lui dis de venir illico,j'appelle le pneumo et lui dis comment je la trouve limite,à sa question des gaz,je dis que je n'y arrive pas,et que de toute façon,vu son état,elle ne peut rester toute la nuit comme ça,dans le service.....il me répond que les réanimateurs exigent des gaz,mais devant mon insistance (il doit croire que j'exagère les choses en bonne infirmière de nuit) il dit que l'interne doit l'examiner et le rappeler.
l'interne arrive,il regarde la patiente du pas de la porte,et me demande pourquoi je l'ai appelé....il ne l'examine pas,il attend mon rapport.
il est à côté de la plaque,de toute évidence.
je n'ai pas de chance,il ne semble rien capter de l'état de la patiente,après tout,celle-ci est consciente,elle parle,elle est calme dans son lit,pourquoi je m'agite moi...?
je suis un peu désemparée par ces attitudes successives,peut-être que je m'alarme pour rien,mais je me sens oppressée,il faut faire vite me dit mon intuition,et là tout traîne comme un fait exprès...
alors je mens un petit peu...je dis que le pneumo demande à ce qu'il s'occupe du transfert en réa,tout de suite.
je ne dis rien de plus.
l'interne parait dubitatif (ah bon?),mais comme le chef a dit,il s'incline;
il est aussi un peu largué,il n'a jamais fait ça ici,alors je lui donne le téléphone,lui dis d'appeler les réanimateurs,d'expliquer ce que le pneumologue demande...
son discours laconique ajouté au fait qu'en réa ils étaient déjà au courant de l'éventualité du transfert,font que ok,ils vont la prendre.
après je lui montre comment appeler le centre 15,pour le transport,car la réanimation étant dans un autre hôpital de la ville,il doit y avoir un transport Smur.
je vais revoir ma patiente vite fait,elle somnole maintenant,hmm,mauvais signe,je la préférais encore agitée,je la stimule,lui parle,sa saturation baisse,même au repos,ça ne va pas du tout.
je reviens vers l'interne qui a fini,oui ils vont venir,je peux partir?....non,il y a encore une petite lettre à écrire....histoire d'expliquer...ben oui c'est la procédure...
30 minutes plus tard,toujours rien,je stresse de plus en plus,les autres malades me réclament,il y a d'autres problèmes,mais Brigitte m'inquiète terriblement,alors je fais des allers-retours sans arrêt,je guette,je stimule,je surveille,je repars,je reviens...
quand j'appelle l'interne (qui est parti entre temps,bipé ailleurs) pour savoir s'ils allaient vraiment venir, il me dit que le 15 a envoyé 2 personnes venir voir..
je suis consternée,mais tout va mal,je ne sais ce qu'il a dit,mais au lieu de la cavalerie (ambulance médicalisée avec 2 ambulanciers,plus un médecin,un infirmier anesthésiste,un brancardier),ne va venir que la petite voiture éclaireuse....
alors je doute,je me dis que j'ai exagéré,pourvu qu'ils soient de mon avis,j'ai peur d'être ridicule, après tout personne n'a l'air de s'inquiéter,pourquoi m'en faire,oui mais j'ai un peu menti tout à l'heure,alors si le pot aux roses est découvert,qu'est-ce que je vais prendre....
ah,les voilà,l'interne n'est pas revenu,je suis seule à les accueillir,la femme médecin et le gars qui l'accompagne,ils ont leur air flegmatique comme d'habitude,(en secret je les appelle les cow-boys),je leur explique vite fait la situation et je tremble un peu en leur montrant la patiente...pourvu qu'ils me croient...pourvu,pourvu...
et là,quand je vois leurs têtes se décomposer à la vue de Brigitte,"oh là,mais qu'est-ce que c'est que ça ??...!"....j'ai envie de crier,"oh yes!"....je vois le médecin se précipiter sur le téléphone à l'infirmerie,pousser une gueulante du tonnerre au centre 15,ce sont de douces paroles pour moi,j'ai enfin l'impression que les choses bougent,que des gens compétants vont enfin prendre le relais et enfin me soulager.
le poids dans ma poitrine et dans ma tête s'allège d'un coup,j'ai envie de danser,comme ça,avec tout ça,il est tard,près de 22 heures.
je file voir Brigitte,lui dis qu'on va l'emmener en réa parce qu'elle ne respire pas bien,d'ailleurs elle doit bien s'en rendre compte,elle me dit alors:
-je ne veux pas partir d'ici,je veux rester avec vous
-mais non,vous serez mieux là-bas,il y a de très bons médecins,il y en a un qui a une grosse moustache à la Magnum,il n'est pas aussi beau que lui,mais il est aussi sympa vous verrez..
-je vais mourir?....elle me regarde droit dans les yeux
-si vous allez là-bas,c'est pour ne pas mourir justement,ici...........je la regarde droit dans les yeux
-je reviendrais chez vous,vous serez là...?
-mais oui,une fois guérie,vous reviendrez en convalescence dans le service,et on discutera à nouveau des beaux mecs,et puis on rigolera de ces vilains rats
-quand même,ces rats,vous ne devriez pas les laisser embêter les malades comme ça,ce n'est pas très hygiénique dans un hôpital
-chut,ne parlez plus,regardez vous êtes encore plus essouflée...
il y a un problème avec l'ambulance,le véhicule médicalisé high-tech est indisponible,par contre une simple ambulance privée est là,(quand rien ne va,rien ne va).
le médecin décide de ne pas perdre de temps,elle fait un pari risqué mais c'est un peu la course contre la montre,elle décide d'embarquer Brigitte et de foncer toutes sirènes hurlantes aux urgences du grand hôpital;on l'intubera là-bas.
Brigitte se dégrade effectivement,de la mettre sur le brancard,sans effort de sa part,elle désature,son visage devient gris,elle est à 15 litres d'oxygène pourtant,le maximum.
elle part enfin,elle me fait un petit geste de la main et ne me quitte pas des yeux jusqu'à temps qu'elle ne me voit plus.
je suis vannée,il est 22 heures,que c'est long tout ça,que de temps perdu,enfin.....bon,il faut bien que je continue mon travail,la nuit n'est pas finie,j'ai près de 2 heures de retard à rattrapper,les gens râlent à qui mieux mieux,mais qu'est-ce qu'elle est lente cette infirmière,jamais vu ça...
quelques jours plus tard...
Brigitte est toujours intubée,ventilée,son état est préoccupant.
quelques semaines plus tard...
Brigitte est sortie de réanimation mais elle a refusé de revenir dans le service,menaçant de signer une décharche si elle y retournait.
3 ans plus tard...
je fais mes courses dans un hypermarché,un matin déserté par les ménagères;c'est bien agréable.
je choisis une caisse où il n'y a qu'un client qui est en train de payer.
mon choix que je croyais fort stratégique se révèle malheureux,parce que le caissière est en train de sortir son bonniment pour une carte du magasin,elle s'applique,elle parle beaucoup,elle prend son temps..
alllons,bon,encore une fois,la chance est avec moi,je me résigne à attendre.
et puis peu à peu,j'entends la voix de cette caissière,son accent et ses tonalités un peu traînantes me disent quelque chose;je la regarde,sa tête ne me dit rien.
et pourtant cette voix....je ferme les yeux,me concentre,et puis un flash,une chambre de malade....donc,c'est une patiente,mais impossible de la situer.....me reviennent aussi à la mémoire un sentiment de stress,et puis une certitude,"je" l'ai envoyée en réa....tout en l'écoutant parler,mes souvenirs se font plus précis,puis je reconnais sa tête,elle a changé de coiffure mais c'est bien elle.
elle a fini avec son client,et me regarde d'un drôle d'air,puisque je la fixe depuis un moment,elle croit que je suis contrariée par le contretemps de la carte.
comme je suis seule à cette caisse,je n'y tiens plus et lui demande si elle n'a pas été hospitalisée il y a quelque temps;
son regard se ferme un peu et elle me demande quel hôpital,je le lui dis,et elle se raidit encore plus..
-je ne veux plus entendre parler de cet hôpital,tous des incapables....et vous êtes qui,vous?
-heu,je crois bien que c'est avec moi que vous êtes partie en réa,j'étais l'infirmière de nuit
elle me regarde d'un air étrange et elle me sort:
-alors c'est vous qui m'avez sauvé la vie..
-mais non,ce n'est pas moi,c'est vous qui avez bien tenu le coup c'est tout,et puis ce sont les médecins de réa...
-non,c'est faux,ils m'ont bien dit que c'est grâce à une infirmière de nuit de cet hôpital que j'étais arrivée à temps,à un quart d'heure près j'étais morte
-ah bon..ils ont dit ça?...vous êtes sûre,un quart d'heure c'est pas beaucoup,ils ont exagéré...
-non,non,non,j'ai été sauvé de justesse,et c'est grâce à vous!
elle me raconte ses 6 semaines de réanimation,intubée,ventilée,sa famille qui allait prier à la chapelle,sa longue convalescence,sa dépression consécutive,maintenant elle va mieux,mais la nuit elle rêve encore de ces fameux rats,c'est pour ça qu'elle voulait se laver sans cesse,sinon elle a tout oublié,elle ne se rappelle pas du tout de moi d'ailleurs (mais ça c'est classique,il y a toujours une amnésie de ces moments-là).
elle vient alors vers moi,m'embrasse,interpelle sa voisine caissière "eh,Jeanine,tu as vu cette dame,c'est elle qui m'a sauvé la vie..."...et patati,et patata,..
je ne sais plus où me mettre,j'en perds mon porte-monnaie de mes mains,les gens me regardent d'un air surpris,tiens c'est comme ça une sauveuse de vie,non je ne pourrais pas figurer dans Alerte à Malibu..désolée,je suis affreusement banale..
vite,je m'enfuis...
je préfère rester anonyme.
je ne sais même pas son nom,elle ne sait pas le mien,c'est très bien comme ça.
c'est juste qu'en la voyant si pimpante,j'en ai été contente pour elle,moi qui ne donnait pas cher de sa peau ce soir-là.
et puis,elle n'avait qu'à pas débiter son baratin pendant 10 minutes avec sa voix particulière...moi aussi,j'avais tout oublié.
jusqu'à ce matin-là,à l'hypermarché.